Qu’appelle-t-on aujourd’hui un “trouble mental” ? Comment le diagnostique-t-on ? Comment le traite-t-on ? Qu’entendre par la distinction entre le “mental” et le “cérébral” ? Répondre à ces questions revient à dresser un état des lieux de la psychiatrie contemporaine, de ses pratiques, de ses représentations directrices et de sa philosophie implicite. C’est ce travail salutaire, conjuguant la mise en perspective historique aux méthodes d’investigation sociologique, qu’accomplit la série d’articles rassemblés ici par le sociologue Alain Ehrenberg et l’anthropologue Anne M. Lovell. Ces contributions font ressortir que plus la médecine s’est penchée sur la vie intérieure, plus elle en a décrit les états de souffrance, au point de développer dans nos sociétés une “véritable culture du malheur intime”, plus elle s’est trouvée intellectuellement démunie et réduite au niveau thérapeutique à placer tous ses espoirs dans l’efficacité chimique de certaines molécule