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Octave Mirbeau, écrivain français (1848-1917) : journaliste, critique d’art, intellectuel engagé, romancier et auteur dramatique.
Un Mirbeau, foncièrement hostile à tout pouvoir, attaquant férocement l’absurdité de la justice en 1898 :
« Jacques fut condamné à cinquante années de bagne pour ce crime irréparable et monstrueux de posséder une vache tachetée qu’il ne possédait pas. »
Extrait :
Depuis un an que le malheureux Jacques Errant avait été jeté dans un cachot noir comme une cave, il n’avait vu âme qui vive, hormis des rats et son gardien, qui ne lui parlait jamais. Et il ne savait pas, et il ne pouvait pas savoir de quoi il était accusé, et s’il était accusé de quelque chose.
Il se disait souvent :
– C’est curieux qu’on m’ait retiré de la circulation sans me dire pourquoi et que, depuis un an, je sois toujours en quelque sorte suspendu à la terreur d’un procès dont j’ignore la cause. Il faut que j’aie commis, sans m’en douter, un bien grand crime !… Mais lequel ?… J’ai beau chercher, fouiller ma vie, retourner mes actions dans tous les sens, je ne trouve rien… Il est vrai que je suis un pauvre homme, sans intelligence et sans malice… Ce que je prends pour des actes de vertu, ou simplement pour des actes permis, ce sont peut-être de très grands crimes…
Il se rappelait avoir sauvé, un jour, un petit enfant qui se noyait dans la rivière ; un autre jour, ayant très faim, il avait donné tout son pain à un misérable qui se mourait d’inanition sur la route.
– C’est peut-être cela ! se lamentait-il. Et peut-être que ce sont là des choses monstrueuses et défendues !… Car, enfin, si je n’avais pas commis de très grands crimes, je ne serais pas, depuis un an, dans ce cachot !…
Ce raisonnement le soulageait, parce qu’il apportait un peu de lumière en ses incertitudes, et parce que Jacques Errant était de ceux pour qui la Justice et les juges ne peuvent pas se tromper et font bien tout ce qu’ils font.
Et quand il était repris, à nouveau, de ses angoisses, il se répétait à lui-même :
– C’est cela !… c’est cela !… Parbleu, c’est cela !… ou autre chose que je ne connais pas… car je ne connais rien, ni personne, ni moi-même. Je suis trop pauvre, trop dénué de tout pour savoir où est le bien, où est le mal… D’ailleurs, un homme aussi pauvre que je suis ne peut faire que le mal !…
Une matinée, il s’enhardit jusqu’à interroger son gardien… Ce gardien était bon homme, malgré son air farouche. Il répondit :
– Ma foi !… Je pense qu’on vous aura oublié ici…
Il se mit à rire bruyamment, d’un rire qui souleva ses longues moustaches, comme un coup de vent soulève les rideaux d’une fenêtre entrouverte.
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