Emmanuel BOVE– ARMAND (1926)
Second roman d’Emmanuel Bove, après le célèbre Mes Amis, Armand en est assez proche par le style et le propos.
Armand vit avec Jeanne, une veuve plus âgée que lui, qui l’entretient et l’aime tout en lui laissant beaucoup de liberté. Armand ne travaille pas, il se balade souvent pendant la journée et la soirée, et vient à rencontrer un ancien ami, Lucien. Celui-ci n’a pas eu la chance d’Armand, il est resté pauvre, timide, emprunté dans tous ses gestes et mal à l’aise en société, mais c’est le « témoin d’un passé douloureux » pour le narrateur.
À part une incartade d’Armand avec la jeune sœur de Lucien et une séparation à la fin du roman il ne se passe rien : pas d’intrigue, pas d’éclat même dans la séparation, pas de passion même dans les moments de douceur, seulement une observation psychologique et physique méticuleuse des faits, un amour du détail poussé à l’extrême, qui apportent un sentiment de malaise et une tension palpables à chaque page.
La banalité et la médiocrité, la pauvreté, le malheur tranquille sont omniprésents, mais Bove surpasse cette monotonie en l’érigeant en style d’écriture innovant, qui a fait reconnaître en lui précurseur du « Nouveau Roman ».
Durant sa courte vie – il décède à 47 ans -, Emmanuel Bove (1898-1945) sera ainsi vu comme l’un des auteurs français les plus importants du XXème siècle.
Sous les auspices bienveillants de Colette, sa marraine, il connaîtra le succès avec son premier roman Mes amis (1924), dès l’âge de 26 ans, obtiendra en 1928 le Prix Figuière, plus important que le Goncourt et confirmera cette célébrité par nombre de ses livres ultérieurs.
Romancier reconnu et admiré de l’entre-deux-guerres, il aura les honneurs de Rilke. Samuel Beckett lui-même dira de Bove : “Il a comme personne le sens du détail touchant“. On pourrait encore citer de nombreux témoignages d’admiration, de Soupault à Gide, en passant par Max Jacob et tant d’autres.
Pourtant l’œuvre de Bove tombera dans l’oubli après sa mort.
N’alimentant aucun débat, ne servant de faire valoir à personne, c’est l’œuvre d’un auteur solitaire. Elle ne vaut que par la profonde originalité de son écriture qui en est toute la force, mais explique aussi qu’elle fut ainsi rapidement éclipsée.
Bousculant le roman psychologique par son style dépouillé, très réaliste, dont les descriptions rappellent l’écriture cinématographique, l’œuvre de Bove sera heureusement réhabilitée — grâce à Peter Handke et Wim Wenders en Allemagne ou encore à Jean-Pierre Darroussin qui adaptera sur grand écran “Le Pressentiment” en 2006, l’un des romans les plus caractéristiques de son œuvre, sans oublier Le Piège adapté au cinéma par Serge Moati en 1990.
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